CHAPITRE XXXI
Avant que Ganner ou Corran ait le temps de réfléchir à un nouveau plan de fuite, une explosion secoua l’immense coquille. L’odeur de proie se répandit et envahit l’escalier. Corran entendit les rats des sables se rassembler sous le sol, cherchant de la nourriture.
Les esclaves paniquèrent, mais le Jedi sentit leur présence, déjà affaiblie dans la Force, disparaître définitivement.
– Voilà ce qu’on va faire, Ganner. Tu es l’as de la télékinésie. Fais léviter les étudiants vers le fond de la coquille, perce une sortie au sabre laser et emmène-les dehors.
– Dans ton état, tu ne peux pas espérer vaincre ces deux guerriers.
– Peu importe. Je suis le plus lent de nous deux. Par conséquent, à toi de les faire filer d’ici !
Corran leva la main gauche vers les Yuuzhan Vong, se forçant à ne pas réagir à la douleur. Il afficha la nonchalance d’un type pour qui affronter deux guerriers armés jusqu’aux dents revenait à se rafraîchir la barbe.
Il leur fit signe d’avancer.
Le bâton du premier guerrier s’enroula autour de sa taille. Il fit un pas de côté et laissa passer son subordonné, qui avait l’air plus jeune.
Le Vong descendit quelques marches. Son bâton se raidit.
– Ganner, je t’entends toujours respirer derrière moi. File ! Dépêche-toi. Emmène-les au vaisseau et décollez ! Toi seul peux les sauver. Va-t’en !
Ganner partit, les étudiants flottant derrière lui comme sur une civière invisible. Le plus jeune Yuuzhan Vong leva son bâton, prêt à s’en servir comme d’une lance.
L’aîné l’arrêta d’un ordre sec.
Corran brandit son sabre laser, couvrant la retraite de son collègue.
Le Yuuzhan Vong descendit lentement les marches, se déplaçant de manière à forcer Corran à tourner le dos à l’autre guerrier. Mais le Jedi qui l’avait vu venir ne se laissa pas manipuler. Il pointa sa lame sur la gorge du Vong.
Le guerrier attaqua, visant la jambe gauche de Corran. Le Jedi para et la pointe de la lame s’enfonça aisément dans le sol de la coquille.
Je sais au moins que Ganner peut se frayer un chemin hors d’ici !
Le Yuuzhan Vong revint à la charge. Corran esquiva, pivota sur le pied droit et frappa du gauche, touchant le Vong à la poitrine.
Le guerrier bascula en arrière, puis fit un roulé-boulé pour échapper au coup de Corran. Le temps que le Jedi dégage sa lame du sol, le guerrier préparait une nouvelle offensive.
Corran leva son sabre laser.
– Si tu me veux, viens me chercher !
Le Vong avança. Corran fit tourner la poignée de son sabre laser. Le rayon d’énergie se rétrécit et vira du vert au pourpre. Puis sa longueur doubla, et il transperça l’œil gauche du guerrier.
Le Yuuzhan Vong s’écroula, de la fumée sortant de son orbite. Après un ultime soubresaut, il s’immobilisa.
Dire que Ganner s’est moqué de moi parce que j’ai un sabre laser à double phase…
Corran ramena la lame à sa longueur normale et fit signe à l’autre Vong.
– Il était trop jeune et inexpérimenté. Je savais que je ne pourrais utiliser cette ruse qu’une fois. Et contre lui.
Le Jedi doutait que le guerrier comprît ses paroles. Pourtant, il avança, descendant souplement les marches. Il leva son bâton à deux mains, prêt à parer les coups visant ses yeux.
Puis l’arme vivante se transforma en lance. Corran essaya de se faire aussi petit que possible, le sabre laser toujours tenu à deux mains.
Ils se jaugèrent. Coran ne percevait pas le Yuuzhan Vong dans la Force. Mais en dépit de leurs différences, ils étaient tous deux des guerriers entraînés. Un seul sortirait vivant de l’affrontement.
Corran se doutait que ce ne serait pas lui. Il revit mentalement sa femme et ses enfants, évitant de les imaginer en train de pleurer sa mort.
Je vais les perdre, comme ils vont me perdre… Je ne veux pas emporter de mauvais souvenirs…
Il se demanda si le Yuuzhan Vong avait des pensées similaires.
Puis le guerrier attaqua. Corran para, répliquant d’un coup latéral, qui manqua son but. Le Vong frappa avec son bâton, ouvrant la cuisse de Corran. Du sang jaillit sur les murs.
Le Jedi pivota, faisant abstraction de la douleur. Puis il frappa deux fois. Le Vong para. Mais un troisième coup toucha le guerrier à l’épaule droite.
Le Yuuzhan Vong essaya de toucher Corran aux genoux. Le Jedi lui glissa un estoc à la jointure du coude. Le guerrier cria, en sang.
Ils reculèrent, chacun observant l’autre.
Le Yuuzhan Vong leva de nouveau son bâton. Corran abaissa sa lame, la dirigeant vers les genoux de son adversaire. Il inspira à fond.
Nous y voilà !
Des cris retentirent dans la salle quand les deux guerriers se ruèrent l’un sur l’autre. Corran baissa la tête. Le bâton passa au-dessus son épaule droite. Son sabre laser se glissa entre les genoux du Vong. Corran releva sa lame, qui entama la jointure blindée de la hanche du guerrier. Corran leva la lame le plus haut possible puis pivota vers la gauche.
Il perdit l’équilibre sans comprendre pourquoi et s’effondra. Il éprouvait une vive douleur dans le dos et ne sentait plus ses jambes. Le sabre laser lui échappa.
Il tenta de s’asseoir. En vain. Il vit le bâton de son ennemi s’enrouler près de son maître, sifflant et montrant les crocs.
Corran comprit ce qui lui était arrivé. Il tendit la main derrière lui et trouva la morsure sous le tissu déchiré. Quand il ramena sa main, elle était couverte de sang.
Du venin ! La paralysie gagne du terrain.
Le Yuuzhan Vong essaya de se relever, mais il retomba car sa jambe gauche ne le soutenait plus. Son casque roula sur le sol.
Il a la jambe pratiquement coupée et il essaie encore de m’attaquer ? Si la lame du sabre laser ne cautérisait pas les blessures qu’elle inflige, il aurait déjà saigné à mort.
Corran tendit le bras et saisit son arme. Le Yuuzhan Vong roula sur le ventre pour récupérer son bâton. Puis il entreprit de ramper vers Corran.
Il sait que le venin ne tardera pas à m’avoir.
Corran sentait la paralysie gagner son dos. Il essaya de se servir de la Force pour limiter les dégâts, mais les meilleures techniques à sa disposition l’auraient plongé dans une transe.
Et le Vong me tuerait.
Corran recula, balayant l’espace devant lui avec sa lame. Mais le guerrier ennemi continua d’avancer, attendant que le bras de Corran se fatigue et que ses doigts perdent toute sensibilité.
On dirait qu’il n’aura pas longtemps à attendre.
La poitrine du Jedi se soulevait péniblement à chaque inspiration. Conscient qu’il était perdu, il se replongea de nouveau dans les souvenirs de sa famille, revivant des moments de bonheur.
Puis il se servit de la Force pour un dernier pari désespéré. Quand le Yuuzhan Vong se leva sur sa jambe gauche intacte et le regarda, son visage déformé et scarifié s’illumina d’une joie mauvaise.
Alors les rats des sables jaillirent. Un rongeur géant enfonça ses dents dans le bras gauche du Yuuzhan Vong, l’écrasant comme une coquille d’œuf. Deux autres mordirent sa jambe droite presque sectionnée, entraînant le Vong. S’il cria, le bruit des rats des sables déchiquetant son corps couvrit ses hurlements.
Un sourire sur les lèvres, Corran recula, s’éloignant le plus possible des prédateurs déchaînés.
Il avait « invité » les rats des sables à un repas à base de Yuuzhan Vong en se servant de la Force. Et sa stratégie avait marché…
Le seul ennui de mon plan, c’est que je vais leur servir de dessert…
Il se demanda un instant si son corps disparaîtrait au moment de sa mort, comme c’avait été le cas pour d’autres Jedi, privant ainsi les rats des sables de leur festin.
Peu importe. Les autres sont en sécurité. Mon travail ici est terminé.
Corran se sentit flotter dans des sortes de limbes. Il aurait souri s’il avait encore pu bouger un muscle.
Voilà ce que c’est de mourir en Jedi et s’effacer de l’existence…
Soulagé par cette idée, Corran se laissa emporter par l’oubli…